Un peu d'histoire
Une sérieuse concurrente ... la phonie
di di di dah, des points et des traits
De la puissance d'un signal Morse
Une émouvante utilisation du Morse
Aujourd'hui, les radioamateurs sont les seuls, en France et dans la plupart des pays du monde, a perpétuer la tradition des transmissions en langage Morse. Pour beaucoup cette suite de dididah reste très mystérieuse.
Un peu d'histoire
1837, 1er essai réussi à New-York d'une transmission télégraphique Morse. L'américain Samuel Findley Breese MORSE (peintre, 1791-1872) met au point le télégraphe Morse avec des points seulement, c'est plus tard que Alfred Vail, l'assistant de Morse, a introduit l'idée des traits, le code américain s'appelait donc système Morse/Vail.
1844, 24 mai, 1ère liaison par télégraphie Morse entre Baltimore et Washington, il fallut 12 ans d'essais avant de faire cette liaison.
1850/1851, l'Allemand GERKE améliore le système Morse/Vail trop compliqué et donnant lieu à des erreurs. Cette modification du code original devient le code Morse international (en fait il faudrait l'appeler le système Morse/Vail/Gerke). Il était parfois appelé aussi le code Morse continental car utilisé dans de nombreux pays en Europe. Ce nouveau code devient le standard pour les transmissions télégraphiques sauf en Amérique du Nord où l'ancien code était utilisé sur les circuits terrestres (toutefois le nouveau était en vigueur sur les câbles sous-marins).
1895, des messages morse sont envoyés sur une distance de 2,5 km par Guglielmo MARCONI (antenne de 8 mètres terminée par une plaque de 1 m de coté). Il constate que plus l'antenne est haute plus la portée est grande.
1896, mars, POPOV parvient à transmettre et à enregistrer sur une distance de 250 m le premier message de télégraphie sans fil en alphabet morse.
1897, Eugène DUCRETET réalise le premier dispositif français de télégraphie sans fil d'emploi pratique.
1898, 5 novembre, Eugène DUCRETET et M. ROGER réussissent la première liaison radiotélégraphique au-dessus d'une grande ville, entre la tour Eiffel et le Panthéon (distance : 4 km).
1901, 12 décembre à 12h30, Marconi réussit la première liaison transatlantique sur une distance de 3400 km entre Terre Neuve (poste récepteur) et Poldhu en Cornouaille (émetteur). MARCONI et Georges KEMP recoivent à Terre Neuve le signal des trois points en Morse. (Trois points bien cadencés pour charger le moins possible la batterie et distinguer le signal d'un parasite qui peut apparaître sous forme d'un ou deux points).
1904, 21 janvier, première émission française de TSF par le Général FERRIE depuis la Tour Eiffel.
1904, de nombreux transatlantiques britanniques sont équipés avec des postes de radio. Les opérateurs viennent surtout des rangs des télégraphistes de la poste et du chemin de fer.
1906, première conférence internationale officielle sur la radiotélégraphie à Berlin (vingt neuf pays), adoption de la convention radiotélégraphique internationale.
1906, FESSENDEN réussit la liaison en TSF (CW) transatlantique Massachussetts-Ecosse.
1910, les paquebots sont obligés de s'équiper de la TSF.
1912, conférence internationale sur la radiotélégraphie à Londres, usage du code Q à trois lettres dans la marine, convention sur le partage des ondes. Attribution des longueurs d'onde inférieures à 200 mètres aux amateurs.
1912, le naufrage du Titanic entraîne la codification des messages de détresse (SOS).
1918, 22 septembre, 1er message radiotélégraphique direct de Londres vers l'Australie.
1921, découvertes des propriétés des ondes courtes, des amateurs américains obtiennent des portées de 3000 à 4000 km sur des longueurs d'ondes de 200 à 250 mètres.
vers la fin des années 1920, la technologie des téléimprimeurs automatiques engendre le remplacement progressif des opérateurs Morse. Certaines liaisons filaires manuelles seront utilisées jusque dans les années 1960-1970 dans certains pays comme au Canada et au Mexique.
1940-1944, en France de nombreux opérateurs clandestins transmettent en Morse des messages pour la Résistance vers "la centrale" des services secrets à Londres.
2000, le code Morse est abandonné commercialement pour les liaisons avec les bateaux dans de nombreux pays. Les radioamateurs deviennt les gardiens des transmissions en code Morse.
Une serieuse concurrente....la phonie
1906, FESSENDEN réussit la première liaison en phonie sur 18 km de distance, naissance de la radiotéléphonie (mais la qualité est médiocre).
1907, FESSENDEN renouvelle une liaison de radiotéléphonie sur 300 km.
1914, au printemps, Pierre LOUIS et Pierre CORRET réalisent des liaisons en phonie sur une distance de 70 km avec des émetteurs à arc.
1923, 14-15 janvier, premiers essais de transmission radiotéléphonique unilatérale entre les Etats-Unis et la Grande Bretagne (sur une longueur d'onde de 5000 m).
1927, MARCONI réalise la premère liaison de radiotéléphonie transatlantique.
1928, juin, premières liaisons commerciales radiotéléphoniques à ondes courtes à grande distance entre New-York et Londres (Paris-Saïgon et Paris-Buenos Aires en 1929).
1928, début de la radiotéléphonie maritime à petite distance (bande des 105-185 mètres).
1928, pose du dernier câble télégraphique transatlantique, une conséquence du développement des radiocommunications en ondes courtes. Le câble renaîtra avec la pose du premier câble téléphonique transatlantique en 1956.
1929, inauguration de la radiotéléphonie à longue distance avec les paquebots transatlantiques sur des longueurs d'ondes entre 13 et 72 mètres.
1931, invention du système de radiotéléphonie à bande latérale unique par J. CARSON aux laboratoires BELL (adapté aux ondes courtes en 1935 par A. REEVES).
1932, conférence radiotéléphonique internationale de Madrid (4ème conférence radiotélégraphique), fondation de l'UIT.
1935, début du remplacement du procédé de télégraphie Morse utilisé en radio par le téléimprimeur à code à 5 moments de BAUDOT.
di di di dah, des points et des traits
Le code utilise des éléments de longueur inégale : des points (dot en anglais, dit en phonétique) et des traits (dash en anglais, dah en phonétique). Cet ensemble de points et de traits permet la représentation des lettres de l'alphabet latin (A à Z), des chiffres (0 à 9), de la ponctuation (environ une quinzaine de signes) et des signaux de procédure (environ une demi-douzaine). C'est la codification la plus utilisée.
Certaines lettres utilisées dans quelques alphabets européens (comme le n espagnol ou les o norvégiens ) et même espérento possèdent une codification. Les lettres des alphabets comme le japonnais, le thai, le coréen, l'arabe, le russe, le grec, etc., peuvent aussi avoir une codification Morse.
Il n'est pas nécessaire de connaître tous ces alphabets. Le futur opérateur amateur apprend les lettres et chiffres de l'alphabet latin plus quelques signes de ponctuation. C'est le code Morse international.
L'unité de base pour la longueur d'un signe est le point, la duré du trait est trois fois celle du point (un signe est un point ou un trait). L'espace entre un point et un trait (ou un autre point) est la durée d'un point, l'espace entre deux lettres est de trois points, l'espace entre deux mots est sept points. La longueur et la constitution de chaque lettre est variable. Elle est proportionnelle à son apparition dans la langue anglaise (le e apparaissant le plus souvent il est constitué seulement d'un point, puis vient le t qui ne comprend qu'un trait, etc.). Les chiffres sont plus longs que les lettres, ils possèdent tous cinq signes. La ponctuation a en général six signes (mais il y quelques exceptions).
En France, pour le passage de l'examen radioamateur groupe E, à l'épreuve de lecture au son, il est nécessaire de copier à 10 mots/mn. Le candidat doit connaître : les 26 lettres de l'alphabet, les 10 chiffres, la ponctuation : le point, la virgule, le point d'interrogation, la barre de fraction, la croix, l'apostrophe et les signaux de trafic : l'attente (AS), la fin de transmission (VA).
A |
didah | . _ |
B |
dahdididit | _ . . . |
C |
dahdidahdit | _ . _ . |
D |
dahdidit | _ . . |
E |
dit | . |
F |
dididahdit | . . _ . |
G |
dahdahdit | _ _ . |
H |
didididit | . . . . |
I |
didit | . . |
J |
didahdahdah | . _ _ _ |
K |
dahdidah | _ . _ |
L |
didahdidit | . _ . . |
M |
dahdah | _ _ |
N |
dahdit | _ . |
O |
dahdahdah | _ _ _ |
P |
didahdahdit | . _ _ . |
Q |
dahdahdidah | _ _ . _ |
R |
didahdit | . _ . |
S |
dididit | . . . |
T |
dah | _ |
U |
dididah | . . _ |
V |
didididah | . . . _ |
W |
didahdah | . _ _ |
X |
dahdididah | _ . . _ |
Y |
dahdidahdah | _ . _ _ |
Z |
dahdahdidit | _ _ . . |
1 |
didahdahdahdah | . _ _ _ _ |
2 |
dididahdahdah | . . _ _ _ |
3 |
didididahdah | . . . _ _ |
4 |
dididididah | . . . . _ |
5 |
dididididit | . . . . . |
6 |
dahdidididi | _ . . . . |
7 |
dahdahdididit | _ _ . . . |
8 |
dahdahdahdidit | _ _ _ . . |
9 |
dahdahdahdahdit | _ _ _ _ . |
0 |
dahdahdahdahdah | _ _ _ _ _ |
. |
didahdidahdidah | . _ . _ . _ |
, |
dahdahdididahdah | _ _ . . _ _ |
? |
dididahdahdidit | . . _ _ . . |
/ |
dahdididahdit | _ . . _ . |
+ |
didahdidahdit | . _ . _ . |
' |
didahdahdahdahdit | . _ _ _ _ . |
= | dahdididididah |
_ . . . . _ |
Attente (AS) |
didahdididit | . _ . . . |
Invitation a transmettre (K) |
dahdidah | _ . _ |
Fin de transmission (VA) |
didididahdidah | . . . _ . _ |
Pour élaborer ces sons il est possible de le faire avec principalement deux sortes de manipulateurs :
- la "pioche", premier modèle apparu
- la clé de manipulation dite "clé iambic"
De la puissance d'un signal Morse
Le morse est un moyen de communication remarquable. Un opérateur particulièrement entraîné pourra décoder un signal "à l'oreille" dans des conditions de réception particulièrement difficiles, la réception auditive permet de compenser les nombreux aléas de la transmission (décalage de fréquence, affaiblissement des signaux, parasites, etc.). Aujourd'hui des systèmes électroniques ou informatiques permettent la transmission et la réception automatique. Toutefois les signaux doivent être très réguliers pour que la machine puisse les décoder. Un opérateur averti pourra, avec une manipulation manuelle particulière, tromper le décodeur, alors celui-ci deviendra inefficace. La meilleure parade c'est de pouvoir "lire" au son manuellement. Le code Morse peut donc être un procédé primaire de cryptage et totalement incompréhensible pour celui qui n'en connaît pas la signification.
Pour l'anecdote : lors de la deuxième guerre mondiale, les opérateurs radio clandestins en formation en Angleterre enregistraient avant leur départ pour la France leur manipulation sur une bande (avec un appareil du genre du télégraphe filaire). Il était ainsi possible de connaître leur "signature" de manipulation, elle servait d'authentification de l'opérateur, si un opérateur allemand voulait se faire passer pour l'opérateur clandestin, il était assez facile de le démasquer. D'autres part, les opératrices à la réception connaissaient particulièrement la "musique" de manipulation de leurs correspondants. Autre subtilité utilisée : l'opérateur et son contact décidaient avant le départ d'une particularité de manipulation pour informer "la centrale" à Londres de son arrestation et de la transmission sous contrôle des allemands (par exemple l'opérateur allongeait son trait dans la lettre a). On comprend mieux ainsi pourquoi les services secrets britanniques préféraient avoir le contact avec des opérateurs qu'ils avaient formés eux-même en Angleterre.
Reconstitution par Pierre Vinckel F6HPX
Poste clandestin du réseau de renseignement ALIBI
La réception radio du Morse est possible avec un rapport signal à bruit très proche de zéro. Il est particulièrement efficace par rapport à la transmission de la voix. Le tableau ci-dessous donne un aperçu de son efficacité par rapport à d'autres modulations.
Code |
Bande passante | Sensibilité |
Morse |
16 Hz | -148 dBm (pratique) |
FSK |
15 kHz | -119,3 dBm |
BPSK |
9,6 kHz | -127,3 dBm |
SSB (voix) |
2,4 kHz | -128,2 dBm |
Les calculs sont faits pour un facteur de bruit du récepteur de 2 dB et un seuil théorique de réception de -174 dBm. La sensibilité en Morse peut descendre aux alentours de -150,2 dBm si on a un rapport signal à bruit proche de zéro. Pour le Morse les chiffres correspondent à une transmission de 20 mots par minute et pour la SSB cela équivaut à 60 mots (au sens morse) par minute. On constate que le seuil de réception d'une transmission Morse est 20 dB inférieur à celui d'une liaison phonique, plus concrètement cela correspond à un rapport de 100.
Il est donc possible de recevoir des signaux Morse très faibles et provenant de très loin alors que sur une même fréquence (à un moment donné) il n'est pas possible de recevoir des correspondants en phonie de ces mêmes pays. De plus, le matériel utilisé pour effectuer des transmissions Morse est très simple et peu encombrant (l'émetteur peut avoir la taille d'une boîte d'allumette), il est possible de faire des liaisons en ondes décamétriques avec une puissance haute fréquence très réduite : en théorie, avec une puissance de 1 watt et une très bonne antenne, un radioamateur peut contacter le monde entier sur la bande des 14 MHz (les ondes radio se réfléchissent sur les couches ionisées de l'atmosphère).
Une émouvante utilisation du Morse
Voici un touchant témoignage de notre ami Jean F6BHR (aujourd'hui décédé) concernant le Morse qu'il publia dans le bulletin des radioamateurs des PTT (AOMPTT) :
"Dans ma famille, le virus de la radio remonte les générations. Ce sont en effet les enfants qui ont commencé avant de contaminer leur père. même ma fille a voulu imiter ses frères et a tenu à passer la licence. Mais son activité OM a été de courte durée. Très peu de temps après elle s'est mariée, a eu quatre beaux garçons, a suivi son mari en province, si bien que très vite la radio n'a été pour elle qu'un lointin souvenir.
Toutefois, elle n'a jamais abandonné son métier d'orthophoniste, et c'est ainsi qu'elle s'est trouvée finalement rattaché à un important établissement spécialisé dans les soins aux grands handicapés physiques, qui ont parfois aussi besoin de rééducation du langage.
Or un jour on lui a adressé, plutôt par routine que par conviction, un jeune homme qui, à la suite d'un grave accident, était resté complètement paralysé. Son état était tel qu'il était pratiquement abandonné par les médecins et les infirmières qui le jugeaient irrécupérable. Cependant, ma fille, hasard ou intuition, ne partageait pas entièrement cette opinion. Mais comment entrer en communication avec ce malade complètement inerte ?
C'est alors qu'elle s'est souvenue de l'épreuve de lecture au son qu'elle avait brillamment remportée jadis. Sur sa demande, je lui ai expédié un maip et un couineur de mes réserves, et elle s'est mise en devoir d'apprendre à son malade à manipuler.
O merveille ! Du bout des doigts qu'il pouvait à peine remuer, il s'est mis à taper des points et des traits, preuve qu'il entendait, puis des lettres et des mots, preuve que son cerveau fonctionnait encore. Piquées au jeu, les infirmières se sont mises elles aussi à apprendre l'alphabet morse. Enfin, on pouvait communiquer avec le malade ! Et grâce à ces échanges, ma fille a pu lui faire exécuter les exercices d'orthophonie qui lui ont peu à peu rendu l'usage de la parole.
J'ai vu moi-même ce malade. Bien sûr il n'est pas encore tiré d'affaire. Il ne peut se déplacer que dans un fauteuil électrique perfectionné, commandé lui aussi du bout des doigts. Mais ses progrès sont constants, car les médecins s'intéressent de nouveau à lui. Il commence à remuer les membres, il regarde la télévision, il lit des revues, et enfin, il parle de façon compréhensible. Ce n'est plus le mort vivant qu'il était il y a quelques mois, et celà en définitive grâce à l'alphabet Morse.
Il nous faut donc ici rendre hommage à ce grand inventeur qui fut, je crois, le premier à avoir l'idée, largement développée depuis, de créer un alphabet à l'aide de seulement deux signaux. Il importe d'ailleurs de souligner que ces signaux peuvent être, non seulement les points et les traits inscrits sur la bande de l'appareil télégraphique, mais aussi un son son bref ou long comme dans la lecture au son, des éclats lumineux de différentes longueurs comme dans la télégraphie optique, deux fréquences différentes comme dans le RTTY, une pointe en haut et une pointe en bas comme dans le siphon recorder des vieux câbles sous-marins, un bras levé ou les deux bras, deux longueurs ou deux grosseurs ou deux couleurs dans un collier de perles, ou bien, comme je l'ai lu un jour dans un roman policier passionnant, une combinaison de mailles à l'endroit et de mailles à l'envers dans le tricot d'une écharpe destiné à transmettre un message confidentiel. En vérité, les possibilités sont quasi illimitées.
Et c'est pourquoi, j'ai demandé à notre bulletin de me laisser vous raconter cette histoire authentique. J'ai pensé en effet que celà pourrait peut-être donner des idées à ceux qui, radioamateurs ou non, se trouveraient un jour devant un problème de communication qu'ils ne sauraient comment résoudre."